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MARCEL LEOFFLER

Marcel est né en 1956 à Haguenau au sein de la communauté manouche, dans une famille de musiciens ; Dans l’Est de la France, les Loeffler comme les Reinhardt ou les Schmitt font partie de ces grandes familles qui ont engendré régulièrement des musiciens de grand talent. Les célébrités de la musique manouche sont le plus souvent des guitaristes (Django Reinhardt est celui par qui tout a commencé), assez fréquemment des violonistes mais rarement des accordéonistes. Le père de Marcel, guitariste qui joue dans les bals, sera le catalyseur de sa vocation…

Comme il côtoie beaucoup d’accordéonistes, il a envie de voir son fils en jouer. Bien qu’ayant perdu la vue à l’âge de 5 ans (problème d’ordre génétique), le petit Marcel se retrouve avec un accordéon dans les mains alors qu’il n’a que 6 ans. Quatre ans plus tard il commence à accompagner son père dans les bals de campagne avec l’un de ses frères à la batterie ; Marcel est bien sûr élevé dans l’amour de la musique ; Car si son père aime Django, l’idole de la communauté, il est aussi amateur de jazz américain ; avec lui, Marcel découvre Sinatra, Nat king Cole, Ellington…mais jouer de l’accordéon dans les années 70, époque où l’instrument est relégué dans le registre du commerce, vous classe immédiatement dans la catégorie des ringards, même si vous aimez Art Van Damme, Gus Viseur ou Marcel Azzola, travaillant d’arrache-pied à déchiffrer leurs morceaux.
A la fin de l’adolescence, Marcel délaisse un temps l’accordéon au profit d’une basse électrique. Engagé au sein de l’orchestre de variétés Jacky Coulé, il se produit au casino de Niederbronn ; pendant quatre ans il découvre et apprend en même temps tous les standards du jazz au sein de cet orchestre. Dans les années 80 il s’intéresse  aux synthétiseurs, jouant au sein de divers groupes de rock ou de variétés. Ces quinze ans de baloche furent tout de même une solide école, permettant à Marcel d’être à l’aise dans tous les styles et partout chez lui dans la musique ; sans oublier les réunions et fêtes familiales où la musique est un partage quotidien.

Si Marcel a commencé à composer au milieu des années 80, sans jamais avoir appris la théorie, il faut attendre 1996 pour qu’il enregistre « Vago » son premier disque en leader, sur lequel il signe la plupart des compositions et laisse exploser ses multiples talents. Ayant hérité de son père la faculté de ne pas se contenter de rester dans un seul genre de musique, Marcel annonce ici ce qui sera une constante de sa démarche : sa capacité à proposer des univers musicaux différents tout en gardant une réelle homogénéité. Sideman très recherché, Marcel multiplie rencontres et expériences. L’essentiel pour lui étant de jouer en public, il partagera la scène avec des partenaires qui sont la plupart du temps ses amis : les guitaristes Wawau Adler (participe aux albums « Roots » en 2006 et 2007), Tchavolo, Dorado, Engé et Railo Helmstetter, les accordéonistes Jean-Louis Matinier, Frédéric Schlick (Marcel sera l’un de ses invités sur « Nuances jazz » en 96), René Sopa (qui l’invitera sur « Carinhos tango », disque enregistré en 2008), Raul Barboza (au Cheval blanc de Schiltigheim en 2000), Azzola l’année suivante au même endroit, les saxophoniste Franck Wolf et James Carter, le violoniste Costel Nitescu ou encore le bassiste Gilles Coquard qui l’invitera sur « Reïsa », disque sur lequel il côtoie Mino Cinélu et Bireli Lagrène …la liste est longue et non exhaustive.

Musicien ouvert et curieux, Marcel aime Django et Viseur bien sûr, mais aussi Art Van Damme, Piazzolla, Bach, les grands jazzmen américains avec une prédilection pour Miles Davis, Herbie Hancock, Chick Coréa  ou Joe Zawinul. Il affectionne également les musiques d’Europe centrale, celles d’Afrique ainsi que la chanson française ; il en reprend toujours une sur ses disques (poupée de cire, poupée de son  sur « Vago »,  dis quand reviendras-tu de Barbara, la chanson des vieux amants de Brel ou la ballade irlandaise immortalisée par Bourvil sur les suivants). 

Marcel  est toujours partant pour de nouvelles aventures musicales, comme pour le Printemps des bretelles qui chaque année lui donne carte blanche ; en 2013, il monte un big band à la Quincy Jones avec le tromboniste et arrangeur strasbourgeois Pascal Beck, choisissant les meilleurs musiciens français pour reprendre standards et compos originales ; si Marcel enregistre régulièrement ( voir tous ses albums dans la page discographie), il aime surtout jouer en public car c’est là qu’il perçoit intimement ce que sa musique apporte ou non aux autres. Ce qui ne l’empêche pas de transmettre, depuis 2016, il enseigne le Jazz au conservatoire de musique de Strasbourg.

Marcel Loeffler, un styliste hors paire. Tout d’abord un son, un phrasé aérien et limpide conjuguant swing léger, élégance et lyrisme, un a propos constant dans ses ponctuations et ses contrechants et un sens aigu de l’improvisation ; il peut musarder autour de la mélodie avec une inspiration sans faille ou ponctuer son discours de quelques accélérations virtuoses jamais gratuites ; car Marcel a dépassé depuis longtemps le stade de la virtuosité ; ce qui l’intéresse c’est de jouer de manière réfléchie, plus élaborée, de construire quelque chose de cohérent, jouer sur les nuances, tenir la note ; pour lui la musique est avant tout émotionnelle.

Francis Couvreux